Écrit par : SivanandaCatégorie : Hindou

« Celui qui est heureux intérieurement, qui se réjouit intérieurement et qui est illuminé intérieurement, ce Yogi atteint la liberté absolue ou Moksha, devenant lui-même Brahman. » (Gita : V-24.) La connaissance spirituelle la plus élevée est la connaissance de soi. Celui qui s’est connu lui-même, plutôt son soi, n’a plus rien à connaître. Le plus sage des philosophes Occidentaux Socrate, a donné le plus haut et le meilleur de ses enseignements à ses disciples dans l’injonction « Connais-toi toi-même ». Les saints Indiens ont également donné leur enseignement le plus élevé sous la forme connue sous le nom d’Adhyatma-Vidya ou Connaissance de Soi.

La connaissance du Soi, que les sages de tous âges ont appelée la connaissance suprême, a rarement été reconnue comme un mystère par l’homme ordinaire. Il semble se connaître si bien qu’il ne juge même pas nécessaire de réfléchir sur lui-même. Non seulement l’analphabète sans instruction pense qu’il est inutile de réfléchir sur lui-même, mais l’homme moderne hautement cultivé pense également de la même manière. Plus la science et le savoir progressent, moins nous trouvons chez l’homme moderne le désir de se connaître lui-même.

Il y a deux raisons opposées qui amènent un homme à ne pas réfléchir sur lui-même : premièrement, il pense qu’il se connaît trop bien, deuxièmement, il pense qu’il est inutile de penser à lui-même, parce que la vraie nature du soi ne peut jamais être connue. Certains pensent que penser à soi est une mentalité morbide. Il s’agit d’une forme d’introversion dont il faut se libérer au plus vite. L’étude des rêves corrige cette vision erronée.

Il fut un temps où les psychologues pensaient que moins nous pensions à nos rêves, mieux c’était. Les psychologues qui considèrent la conscience comme un épi-phénomène sont toujours du même avis. Seashore, par exemple, pense que seules les personnes anormales pensent trop à leurs rêves, et que trop penser à leurs rêves conduit à des anomalies. Il y a beaucoup de choses à faire dans la vie éveillée et celui qui passe son temps à réfléchir à ses rêves manque une grande partie de sa vie éveillée et cela contribue à son propre échec dans la vie.

Or, la psychologie a changé ce point de vue. Cela montre que la sagesse la plus profonde vient de la réflexion sur les rêves. Personne ne s’est véritablement connu s’il n’a étudié ses rêves. L’étude des rêves montre d’emblée quel grand mystère notre âme est, et que ce mystère n’est pas tout à fait insoluble, comme le supposaient certains métaphysiciens. Les rêves nous révèlent cet aspect de notre nature qui transcende la connaissance rationnelle. Que chez l’homme le plus rationnel et le plus moral il y ait un aspect de son être qui est absurde et immoral, on ne le sait qu’à travers l’étude de ses rêves. Toute notre fierté de nationalité et de moralité se fond dans le néant dès que nous réfléchissons à nos rêves.

Il y a de la logique dans nos rêves ou plutôt la logique de notre conscience éveillée est comme la logique du rêve. Le grand philosophe Hegel a construit sa logique sans tenir compte de ce que la logique du rêve a à révéler. Or la logique, qui prétend en même temps être un système de métaphysique, ne peut être complète sans prendre en compte les constructions absurdes de l’expérience du rêve. La logique n’est qu’un outil de l’intellect, qui lui permet de gérer seul l’expérience de veille. Ce fait nous est révélé à travers l’étude de nos rêves. Le réel doit transcender toutes les catégories logiques ; ou bien les catégories par lesquelles il peut être compris doivent être telles qu’elles suffiront non seulement à saisir l’expérience éveillée mais aussi l’expérience onirique. Cela signifie simplement qu’il doit être suffisamment large pour comprendre à la fois la vie consciente et inconsciente d’un homme. Concevoir une telle catégorie ne peut pas être l’œuvre d’une conscience éveillée. Une telle catégorie doit nécessairement transcender à la fois la conscience de veille et la conscience de rêve. Ainsi, nous sommes amenés à la nécessité de l’intuition ou d’une pensée logique pour comprendre la Réalité, lorsque nous commençons à réfléchir sur nos rêves.

L’étude moderne des rêves montre qu’il ne s’agit pas de présentations dénuées de sens. Chaque présentation de rêve a une signification. Un rêve est comme une lettre écrite dans une langue inconnue. Pour un homme qui ne connaît pas le Chinois, une lettre écrite dans cette langue est un parchemin dénué de sens. Mais pour celui qui connaît cette langue, elle regorge d’informations des plus précieuses. Il se peut que la lettre appelle à une action immédiate ; ou il peut contenir des paroles de consultation pour quelqu’un qui souffre de découragement. Il peut s’agir d’une lettre de menace ou d’amour. Ces significations n’existent que pour celui qui voudrait s’occuper de la lettre et tenter de la déchiffrer. Mais hélas ! Combien peu d’entre nous essaient de comprendre ces messages provenant de l’océan profond et invisible de notre propre Conscience !

Pourquoi rêvons-nous ? Diverses réponses ont été apportées à cette question. Selon l’opinion scientifique la plus répandue, les rêves ne sont rien d’autre qu’une répétition de nos expériences éveillées sous une forme nouvelle. Une vision plus réfléchie les considère comme les productions d’une perturbation organique quelque part dans le corps, mais plus particulièrement dans l’estomac. C’est à ce point de vue que les médecins adhèrent avec plus de ténacité que n’importe qui d’autre. Parfois, des maladies à venir apparaissent dans les rêves. Pendant une maladie, les rêves sont généralement plus horribles qu’ils ne le sont dans l’état sain du corps. Ce sont toutes des théories scientifiques sur les rêves. Nous oublions ici les théories non scientifiques, par exemple selon lesquelles les rêves sont des prémonitions ou que les dieux ou les démons ou les esprits produisent des rêves, ou que l’âme part en séjour dans les rêves, etc.

Les théories scientifiques ont été exposées de manière très approfondie par le Dr Sigmund Freud dans son Interprétation des Rêves. Aucun stimulus physique, qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur du corps, aucune expérience de l’état de veille ou de sommeil ne peut expliquer la présentation du contenu réel du rêve. Le même stimulus, à savoir le carillon d’une alarme, produisit trois types de rêves différents pour Hidetrant à des moments différents. Pourquoi en serait-il ainsi si le stimulus physique est seul responsable de la production des rêves ?

Selon Freud, tous les rêves, sans aucune exception, sont la réalisation d’un souhait. Les souhaits sont en réalité de nature immorale. Ils se révoltent contre le soi moral, qui exerce un contrôle sur leur apparence. C’est pourquoi, pour échapper à cette censure morale, les souhaits apparaissent sous des formes déguisées. Le mécanisme du rêve est très complexe. Très peu de rêves présentent les souhaits tels qu’ils sont réellement. Les rêves sont une satisfaction partielle des souhaits. Ils soulagent la tension mentale et nous permettent ainsi de profiter du repos. Ce sont des soupapes de sécurité aux fortes impulsions. Les rêves ne perturbent pas le sommeil mais le protègent. L’irrationalité et l’immoralité des rêves rendent possibles la moralité et la rationalité de notre vie éveillée.

La déclaration ci-dessus de Freud montre que nous connaissons notre soi animal dans le rêve. Mais il ne dit rien sur la vie spirituelle exprimée dans le rêve. C’est, semble-t-il, l’œuvre de Jung. Selon Jung, un rêve n’est pas déterminé causalement comme le supposait Freud, mais il est déterminé téléologiquement. Les souhaits refoulés n’expliquent pas à eux seuls tous nos rêves. Un rêve présente une demande à notre conscience éveillée. Si elle est correctement interprétée, elle montre la voie à suivre pour être en paix avec nous-mêmes. Les rêves des névrosés révèlent non seulement les contenus refoulés, mais ils suggèrent également des remèdes pour le guérir. Une série de rêves surviennent parfois au patient et lui révèlent le chemin de la guérison.

La conscience du rêve est supérieure à la conscience de veille à bien des égards. De nombreuses énigmes de la vie sont résolues grâce aux indices des rêves. Tous les rêves, selon Adler, ont un caractère d’anticipation. Ils montrent dans quelle direction se déroule la vie spirituelle d’un homme. Connaître le débit réel est nécessaire pour corriger d’éventuelles erreurs. Les rêves nous aident à découvrir la bouée de sauvetage de l’individu et nous aident à lui donner des conseils appropriés pour son autocorrection.

Ainsi, grâce aux rêves, on peut savoir comment on doit agir dans une situation particulière. Les rêves indiquent un chemin inconnu de la conscience éveillée. Les saints et les sages apparaissent dans les rêves dans les moments difficiles et montrent la voie. Plus on suit les intuitions du rêve, plus elles deviennent claires.

Extrait de Philosophy of Dreams de Sri Swami Sivananda, publication de la Divine Life Society ; Première Édition : 1958.

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