Écrit par : Samael Aun Weor Catégorie : La Montagne de la Juratena
Errant sur les chemins du monde, Oramammé, le vieil ermite, pénétra un jour dans l’épaisse forêt d’un vieux pays. Oramammé était né à Bogota, capitale de ce pays ensoleillé qui a pour nom la Colombie. Oramammé, le vieil ermite, habitait dans l’épaisse forêt de ce vieux pays.
Un jour tout plein de soleil, Oramammé, accablé de fatigue après une longue marche, affamé et assoiffé, arriva près d’une cabane ; il s’y rendit et demanda à manger. Oramammé était un vrai mystique, rempli d’amour et de sagesse. Quand Oramammé s’asseyait à une table, son repas devenait mystique.
Rappelons-nous le Grand Maître Jésus le Christ. Lorsque le Divin Maître voulait donner un enseignement spécial à ses disciples, il les invitait à prendre le repas avec lui. Pour Oramammé, le repas était une véritable onction mystique.
Ainsi donc, en ce jour gorgé de soleil, Oramammé avait faim et soif. Durant le repas, le vieil ermite resta silencieux. Il écoutait la conversation de quelques vieux montagnards du pays, qui ne savaient ni lire ni écrire.
Ces campagnards rudes et simples, ces hommes au visage brûlé par le soleil des Tropiques, parlaient de la montagne de la Juratena. Ils disaient des choses insolites, des choses étranges :
— Écoutez ! Il va pleuvoir !, disait l’un.
— Comment ça ?, demandait un autre.
— Ouais !, s’exclamait un troisième.
— Vous n’avez pas entendu l’énorme bruit de pierres qui dévalaient de la Juratena hier soir ?, reprenait le premier.
— Ha ! Pour sûr ! J’ai entendu !, répondait un autre.
Ainsi se poursuivait la conversation de ces montagnards, de ces pauvres habitants de la forêt, qui ne savaient ni lire ni écrire. Ils parlaient, et Oramammé, le mystique solitaire, écoutait.
Tout d’un coup, le vieux mystique se leva de table et se dirigea vers le groupe de paysans qui causaient tranquillement à la porte de cette cabane solitaire. Les hommes se turent et regardèrent Oramammé, s’attendant à ce qu’il leur demande quelque chose.
Le vieux mystique, après avoir salué courtoisement les campagnards, leur demanda : « Montrez-moi la Juratena ! Où se trouve cette mystérieuse montagne ? » Le plus vieux des montagnards, pointant l’index vers une haute montagne qui se dressait au-dessus des arbres, répondit : « Regarde bien, tu vois cette montagne, là-bas, qui s’élance comme une aiguille vers le ciel ? C’est la Juratena ! » Tous les regards étaient tournés vers l’endroit que le vieil homme désignait. Oramammé s’exclama, rempli d’admiration : « Oui, je vois ! » La Juratena semble vraiment une aiguille neigeuse perçant l’immensité concave du ciel.
Au pied de cette montagne élevée chemine paisiblement une large rivière aux eaux profondes et claires. C’est le Rio Minero, qui arrose la région de Boyaca. La mystérieuse montagne qui porte le nom de Juratena est située dans cette contrée.
Puis les campagnards confièrent à Oramammé des choses prodigieuses, ils lui racontèrent ce qu’ils savaient sur la Juratena. Ils lui dirent que lorsqu’ils voulaient faire pleuvoir, ils mettaient le feu à la montagne, et la pluie était alors inévitable. L’un de ces paysans rapporta à Oramammé le cas d’un neveu à lui qui se risqua un jour à explorer les abords escarpés de la Juratena. Le jeune homme se promenait sur les rives tropicales de la rivière, lorsqu’il aperçut un temple merveilleux incrusté dans le flanc rocheux de la Juratena.
Trois portes gigantesques permettaient d’entrer dans ce mystérieux temple. Lorsque le jeune homme voulut pénétrer dans le temple, il recula, horrifié ; il venait d’apercevoir, à l’intérieur, de nombreuses écailles de serpent ; il s’enfuit, terrorisé. Le jeune homme revint, plus tard, à cet endroit solitaire et mystérieux, mais il ne put retrouver le temple, comme si les roches millénaires l’avaient absorbé, englouti. L’énigmatique disparition laissa le jeune homme fort perplexe.
Un autre paysan raconta au vieil ermite qu’il était monté une fois jusqu’au sommet de la montagne. À proximité de la cime, l’homme rencontra des marches taillées dans la pierre par on ne sait quelles mains millénaires. Lorsque le pauvre montagnard voulut gravir le mystérieux escalier, il fut arrêté par une pluie de pierres lancées il ne savait par qui. Soudain il recula, épouvanté : un énorme bloc de pierre roulait vers lui. L’homme eut tout juste le temps de se jeter derrière une grosse souche, échappant ainsi à une mort horrible.
Les récits se succédaient, plus étranges et énigmatiques les uns que les autres. Un autre montagnard raconta que quelques explorateurs avaient décidé de grimper jusqu’au faîte de la Juratena. Au cours de leur ascension, ils croisèrent des enfants qui les interrogèrent sur l’objet de leur excursion ; puis les enfants demandèrent aux explorateurs : « Vous voulez quelque chose ? Vous désirez quelque chose ? » Les explorateurs répondirent : « Ah ! Si vous pouviez faire en sorte que nous trouvions dans la rivière un gros poisson, parce que nous commençons à avoir faim ! » Les enfants dirent alors, le plus naturellement du monde : « Allez là-bas, à la rivière, vous aurez ce que vous avez demandé ! » Lorsque les explorateurs redescendirent de la montagne, intrigués et incrédules à la fois, ils jetèrent l’hameçon dans les eaux de la rivière, et ils prirent bientôt, à leur grande surprise, un énorme poisson dont ils se régalèrent joyeusement.
En évoquant les merveilles de la Juratena, ces paysans avaient un air extatique. Oramammé écoutait et méditait. On disait beaucoup de choses de cette mystérieuse montagne. Des ingénieurs allemands qui avaient parcouru la montagne assuraient qu’elle était riche en émeraudes. Cette forêt impénétrable qui encerclait la Juratena était imprégnée d’un air de mystère, des milliers d’oiseaux de toutes les couleurs remplissaient l’ombrage de leurs chants ineffables. On observait partout des arbres séculaires, gigantesques, et l’on découvrait des profondeurs insondables, peuplées de reptiles et de singes. Les habitants de cette forêt craignent le tigre qui se tapit derrière chaque broussaille. La forêt est un mystère impénétrable, un monde plein d’étranges surprises, un monde que l’homme ne connaît absolument pas. Dans les forêts, il existe des lois et des forces inconnues des physiciens et des chimistes. Il y a des choses, dans la forêt, que l’homme « académique » de la ville ne soupçonne pas le moindrement.