Écrit par: Samael Aun Weor | Catégorie: La Magie des Runes |
Énée, l’épique paladin troyen, naviguant avec ses gens vers les terres merveilleuses de l’antique Hespérie, fut soumis à de nouvelles épreuves épouvantables.
Les vieilles traditions qui se perdent dans la nuit des siècles racontent qu’en haute mer, les forces terrifiantes de Neptune soulevèrent une tempête terrible qui, bien qu’elle ne coula pas son navire, grâce à Dieu, elle fit pour le moins perdre la direction à Palinure, le plus habile de ses pilotes, après trois nuits sans étoiles.
Ce furent des moments d’horreur que les Troyens passèrent en approchant des terribles iles Strophades, situées sur la mer Ionique, où habitent les dantesques Harpies, repoussantes sorcières qui ont une tête et un cou de femme, autrefois de jolies demoiselles mais transformées à présent en furies horribles qui corrompent tout ce qu’elles touchent à leur contact abject.
Monstrueuse armée, autrefois dirigée par l’exécrable Celaeno, que celle de ces abominables Harpies pourvues de longues serres, qui portent toujours au visage la pâleur de la faim.
Le glorieux héros accosta sur ces terres avec ses gens, sans avoir la pensée d’abjectes sorcières ou de sabbats horripilants.
Affamés comme ils l’étaient, les forts descendants de Dardanos ne tardèrent pas à sacrifier de belles vaches bien portantes qui broutaient en paix sur une terre qui n’appartenait à personne.
Mais au meilleur du festin, les Harpies descendirent des montagnes en croassant comme des corbeaux et, battant de leurs ailes noires et répugnantes, elles s’approchèrent de la nourriture et infectèrent tout de leurs bouches immondes.
La viande contaminée prit un aspect horrible : la puanteur infectait l’air, et le banquet devint dégoûtant, répugnant, nauséabond.
Fuyant ces dames tellement sinistres transformées en vilains oiseaux horripilants, les Troyens se réfugièrent dans des cavernes mystérieuses, à une certaine distance de la plage ensoleillée.
Cependant, au grand malheur de ces guerriers si illustres, chaque fois qu’ils se préparaient à manger après avoir sacrifié d’autre bétail, les sorcières maudites revenaient et gâchaient de nouveau les aliments.
Remplis d’une grande colère, ces hommes se disposèrent à l’attaque et ils armèrent leurs arcs et javelines pour exterminer ces Harpies si abominables ; mais leur peau dégoûtante ne se laissait pas traverser par le bronze et leurs flancs étaient invulnérables comme l’acier.
C’est une malédiction terrible que prononça Celaeno en voltigeant au-dessus des têtes glorieuses des valeureux Troyens, lorsqu’elle dit :
« Pourquoi nous faites-vous la guerre, insensés ? Les dieux nous ont faites immortelles. Nous ne vous avons pas offensés sans justice, puisque vous avez sacrifié plusieurs vaches de notre troupeau. Pour vous châtier, je vous donnerai une malédiction : Énée et sa lignée erreront sur la mer avant de trouver la terre qu’ils cherchent, et ils connaîtront la faim. Ils ne pourront ériger les murailles de leur nouvelle ville que lorsqu’ils seront affamés au point de se voir obligés de dévorer leurs tables elles-mêmes. »
Surpris et consternés, les Troyens prièrent les dieux saints de les libérer de ces menaces, puis ils abandonnèrent cette triste terre pour s’embarquer de nouveau.
Sacrifier la vache sacrée équivaut, en fait, à invoquer les cruelles Harpies et leurs funestes présages.
Il s’avère opportun de citer ici la symbolique vache à cinq pattes, terrible gardienne des terres Jinas.
H.P.B. vit réellement en Hindoustan une vache à cinq pattes ; la cinquième sortait de sa bosse et lui servait à se gratter, à effrayer les mouches, etc. L’animal était conduit par un jeune de la secte Sadhu.
Si nous lisons à l’envers les trois syllabes du mot kabala (qui signifie kabbale, en espagnol), nous obtenons labaca (qui se prononce en espagnol exactement comme « la vaca », la vache), la vache étant le symbole vivant de l’éternelle Mère-Espace.
Dans toutes les théogonies du nord au sud, de l’est à l’ouest du monde, on fait toujours mention de l’éternel élément féminin de la nature : la Magna Mater, d’où proviennent le M et le hiéroglyphe de l’ère du Verseau. Elle est la matrice universelle du grand abîme, la Vénus primitive de la grande Vierge-Mère qui surgit des vagues de la mer avec son fils Cupidon-Éros, et enfin, sa dernière variante Gaïa, Gaea ou la terre, qui, dans son aspect supérieur, est la Prakriti Hindoustane.
Rappelons-nous Télémaque, qui descendit au monde des ombres pour vérifier le sort qui attendait Ulysse, son père. Le jeune homme marche sous la lumière de la lune en invoquant la Prakriti, cette puissante Séité qui, tout en étant Sélène dans le ciel, est aussi la chaste Diane sur terre et la formidable Hécate dans le monde souterrain.
Les deux dédoublements ultérieurs d’Hécate Proserpine, les quatrième et cinquième aspects de la Prakriti, sont négatifs ; ils constituent l’ombre de l’éternelle Mère-Espace, des reflets perdus du miroir de la nature.
Il y a des Jinas noirs et des blancs. Les Harpies suivent le chemin ténébreux ; Dante les a rencontrées dans les mondes infernaux alors qu’elles y tourmentaient les âmes involuantes submergées.
Les Harpies sont des Jinas noirs : elles utilisent les deux aspects négatifs et inférieurs de la Prakriti, à l’aide desquels elles introduisent leur corps dans la quatrième dimension pour voler dans les airs.
Dans la dimension inconnue, le corps humain peut prendre n’importe quelle forme ; de belles jeunes filles peuvent se transformer en horribles oiseaux comme ceux qu’Énée trouva dans les ténébreuses iles Strophades.
Charon, le dieu infernal dont la vieillesse éternelle est toujours mélancolique et abominable, conduit les Harpies qui ont traversé les portes de la mort jusqu’à l’autre rive du fleuve mauvais. Courant bourbeux aux eaux noires et aux immondes rives marécageuses où errent les spectres des morts ! Fleuve fatal où navigue la barque de Charon, conduisant les perdus aux régions sombres, lugubres et obscures du règne minéral submergé.
C’est une fin horrible qui attend les Harpies de l’exécrable Celaeno : involuer épouvantablement dans le sous-monde jusqu’à se pétrifier, puis être réduites en poussière cosmique.
Il est juste de condamner ceux qui font le mal. Leurs gueules sont comme des sépulcres ouverts : jamais elles n’ont connu le sentier.
Ce chapitre est tiré de La Magie des Runes (1969) de Samaël Aun Weor.