Écrit par: Samael Aun Weor | Catégorie: La Magie des Runes |
Vous qui scrutez avec une patience mystique l’arcane de la nuit mystérieuse, vous qui avez compris l’énigme qui se cache dans chaque cœur, la résonance d’un véhicule au loin, d’un vague écho, d’un son léger dans le lointain, écoutez-moi : dans les moments de profond silence, lorsque surgissent du fond de la mémoire les choses oubliées, les temps passés, lorsque viendra l’heure des morts, l’heure du repos, vous saurez étudier ce chapitre du cinquième évangile, non seulement avec le mental, mais aussi avec le cœur.
Comme dans une coupe d’or, je déverse dans ces lignes mes douleurs des lointains souvenirs et des malheurs funestes, les tristes nostalgies de mon âme enivrée de fleurs, chagrin de mon cœur triste de tant de fêtes.
Mais qu’est-ce que je veux dire par là ? Mon âme, voilà que tu te lamentes de tout ce passé par des plaintes vaines ?
Tu peux même marier la rose odorante et le lis, et il y a des myrtes pour ta douloureuse tête grise.
L’âme, rassasiée de vains souvenirs, immole cruellement ce qui réjouit l’ego, comme Zinga, reine de l’Angola, noire lubrique.
Tu t’es réjoui d’horribles bacchanales, de plaisirs idiots dans l’agitation mondaine, et à présent, pauvre de toi !, écoute l’imprécation terrible de l’Ecclésiaste !
Malheur à toi, pauvre ego ! Le moment de passion t’ensorcelle, mais vois comme le Mercredi des cendres approche. « Memento, homo. »
C’est pour cette raison que les âmes choisies se dirigent vers la montagne de l’initiation, et qu’Anacréon et Omar Khayyam s’y expliquent.
Le temps passé ronge tout, inclément, et il se dépêche à le faire ; sachez le vaincre, ô Cynthia, Chloé et Cydalise !
En l’absence du moi et au-delà du temps, j’expérimentai ce qu’est le réel, cet élément qui transforme radicalement.
Vivre le réel au-delà du mental ! Expérimenter de façon directe ce qui ne relève pas du temps, voilà une chose certainement impossible à décrire en paroles.
J’étais dans cet état connu dans le monde oriental sous le nom de Nirvikalpa-Samadhi. Tout en étant un individu, j’avais dépassé toute individualité ; je sentis pour un instant que la goutte se perdait dans l’océan qui n’a pas de rivage ; mer d’une lumière indescriptible, abîme sans fond, vide bouddhique rempli de gloire et de félicité.
Comment définir le vide Illuminateur ? Comment décrire ce qui est au-delà du temps ?
Le Samadhi devint extrêmement profond ; l’absence absolue du moi, la perte de l’individualité, l’impersonnalisation qui devenait de plus en plus radicale, me causèrent de la peur.
Oui, peur ! J’eus peur de perdre ce que je suis, ma propre particularité, mes affections humaines ! Comme elle est terrible, l’annihilation bouddhique !
Rempli de terreur, voire de frayeur, je perdis l’extase ; de retour dans le temps, je revins dans la bouteille du moi, je tombai dans le mental.
C’est alors, pauvre de moi !, c’est alors que je compris la lourde plaisanterie de l’ego : c’est lui qui souffrait, lui qui craignait pour sa propre vie, lui qui criait. Satan, le moi-même, mon cher ego, m’avait fait perdre le Samadhi. Quelle horreur !, si je l’avais su avant…
Et dire que les gens adorent tant l’ego, qu’ils le qualifient de divin, de sublime. Qu’est-ce qu’ils peuvent se tromper, c’est sûr ! Pauvre humanité !
Au moment où j’ai vécu cette expérience mystique, j’étais encore très jeune, et elle (la nuit, le firmament) se nommait Uranie.
Ah !, folle jeunesse qui joue avec les choses de ce monde et qui voit en chaque femme une nymphe grecque même si elle n’est qu’une chaude courtisane !
Que ce temps est loin déjà ! Mais j’en vois encore les fleurs dans les verts orangers imprégnés d’arômes ou dans les vieilles frégates qui arrivent des océans lointains, ou encore dans l’icaquier ou dans les palétuviers touffus. Ô toi, visage adoré à cette époque !, tu m’apparais comme les premiers chagrins et les premiers amours.
Et je compris que je devais dissoudre l’ego, le réduire en poussière, pour avoir droit à l’extase.
Mais alors, mon Dieu !, je me retrouvai devant tant et tant d’hiers ! En vérité, le moi est un livre à plusieurs tomes.
Comme la dissolution du moi me fut difficile, mais j’y parvins. Souvent je ne fuyais le mal que pour rentrer dans le mal, et je pleurais.
À quoi bon les viles envies et la luxure avec leurs reptiles qui se tortillent comme de pâles furies ? À quoi bon les haines funestes des ingrats ? À quoi bon les gestes livides des Pilate ?
Dans le tréfonds des hommes les plus chastes vit l’Adam biblique, ivre de passion charnelle, savourant avec délice le fruit interdit ; on retrouve même une Phryné dénudée jusque dans l’œuvre de Phidias.
Et je criai fort vers le ciel :
« Donnez la science à ce fauve qui se trouve en moi, donnez-lui cette sagesse qui fait frémir les ailes de l’ange ! Permettez-moi, par la prière et par la pénitence, de mettre en fuite les mauvaises diablesses ; donnez-moi, Seigneur, d’autres yeux que ceux-ci qui ne jouissent qu’à regarder les rondeurs de neige et les lèvres rouges ; donnez-moi une autre bouche, où se trouvent imprimés à jamais les charbons ardents de l’ascète, plutôt que cette bouche d’Adam où les vins et les baisers fous augmentent et multiplient à l’infini mes appétits de bête ; donnez-moi des mains de pénitent discipliné qui me laissent le dos en sang, plutôt que ces mains lubriques d’amant qui caressent les pommes du péché ; donnez-moi du sang christique innocent, plutôt que celui-ci qui me fait brûler les veines, vibrer les nerfs et grincer les os. Je veux me libérer du mal et de la tromperie, mourir en moi-même et sentir une main affectueuse me pousser vers la grotte qui accueille toujours l’ermite. »
Et à force de travailler intensément, mes frères, je parvins au royaume de la mort par le chemin de l’amour.
Ah !, si tous ceux qui recherchent l’illumination comprenaient vraiment que l’âme est prisonnière du moi.
Ah !, si ceux-là détruisaient le moi, s’ils réduisaient le cher ego en poussière cosmique, l’âme deviendrait alors réellement libre, en extase, en Samadhi continu ; ils expérimenteraient ainsi ce qu’est la vérité.
Quiconque veut vivre l’expérience du réel doit éliminer les éléments subjectifs des perceptions.
Il est urgent de savoir que ces éléments constituent les diverses entités qui forment le moi.
À l’intérieur de chacun de ces éléments, l’âme dort profondément. Quel malheur !
Ce chapitre est tiré de La Magie des Runes (1969) de Samaël Aun Weor.