Écrit par : Arthur AvalonCatégorie : Écritures Bouddhistes

Vashishtha, l’auto-contrôlé, le fils de Brahma, a pratiqué pendant des siècles de sévères austérités dans un endroit isolé. Pendant six mille ans, il a fait la Sadhana, mais toujours la Fille des Montagnes [la Mère Divine] ne lui est pas apparu. Devenu en colère, il est allé voir son père [Brahma] et lui a dit sa méthode de pratique. Il a alors dit: « Donnez-moi un autre Mantra, Oh Seigneur! puisque ce Vidya (Mantra) ne m’accorde pas le Siddhi (succès); sinon, en votre présence, je lancerai une terrible malédiction. »

En le dissuadant, Brahma a dit: « Oh mon fils, qui as appris dans la voie du Yoga, ne le fais pas. Adorez-la à nouveau avec un sentiment sincère, quand Elle apparaîtra et t’accordera des faveurs. Elle est la Shakti [énergie féminine] suprême. Elle sauve de tous les dangers. Elle est brillante comme dix millions de soleils. Elle est bleu foncé (Nila). Elle est fraîche comme dix millions de lunes. Elle est comme dix millions d’éclairs. Elle est l’épouse de Kala (Kalakamini). Elle est le commencement de tout. En Elle il n’y a ni Dharma ni Adharma. Elle est sous la forme de tout. Elle est attachée à la pure Cinacara (Shuddhacinacarata) [enseignements « Chinois » ou Bouddhistes du Nord]. Elle est l’initiatrice (Pravarttika) de Shakticakra [roue d’énergie]. Sa grandeur est infiniment illimitée. Elle aide à traverser l’océan du Samsara [illusion]. Elle est Buddheshvari (peut-être Buddhishvari, Seigneur de Buddhi). Elle est Buddhi (l’intelligence) elle-même (Buddhirupa: corps d’intelligence). Elle est sous la forme de la branche Atharva des Vedas (Atharvavedashakhini). De nombreuses références Shastrique relient le Tantra Shastra avec l’Atharvaveda. Elle protège les êtres des mondes. Son action se répand dans le mouvement et l’immobilité. Adorez-la, mon fils. Sois de bonne humeur. Pourquoi être si désireux de maudire? Tu es le joyau de la gentillesse. Oh, mon fils, adore-la constamment avec ton mental (Cetas). Étant entièrement absorbé en Elle, tu la verras certainement. »

Ayant entendu ces paroles de son Guru et lui ayant salué encore et encore le pur (Vashishtha), versé dans le sens du Vedanta [philosophie], se rendit au rivage de l’océan [l’océan est un symbole de la Mère Divine dans toutes les religions]. Pendant mille ans, il a fait la Japa [récitation] de Son Mantra [mot sacré]. Mais, il n’a reçu aucun message (Adesha). Là-dessus, le Muni [sage] Vashishtha se mit en colère et, perturbé de mental, se prépara à maudire le Mahavidya (Devi) [la Mère Divine]. Après avoir bu de l’eau (Acamana), il a prononcé une grande et terrible malédiction. Sur ce, kuleshvari (Dame des Kaulas) Mahavidya apparut devant les Muni.

Elle qui dissipe la peur des Yogins a dit: « Comment maintenant Vipra (Are Vipra) [Brahman], pourquoi as-tu terriblement maudit sans cause? Tu ne comprend pas Mon Kulagama et ne sais pas comment adorer. Comment, par la simple pratique du Yoga, homme ou Deva peuvent-ils voir Mes Lotus-Pieds. Mon culte (Dhyana: méditation) est sans austérité et sans douleur. À celui qui désire Mon Kulagama, qui est Siddha dans Mon Mantra, et connaît Mon pur Vedacara, Ma Sadhana est pure (Punya) et au-delà même des Vedas (Vedanamapyagocara). (Cela ne veut pas dire inconnu des Vedas ou opposé à eux, mais quelque chose qui surpasse le rituel Vaidik des Pashu. Cela est clairement indiqué par l’injonction suivante de suivre l’Atharvaveda.) Vas à Mahacina (Tibet) et dans le pays des Bouddhas et suis toujours l’Atharvaveda (Bauddha deshe’ tharvaveda Mahacine sada braja) [une écriture]. Après être allé là-bas et vu Mes Lotus- Pieds qui sont Mahabhava (le grand sentiment de béatitude qu’Elle est dans Sa vraie nature), tu devras, Oh Maharisi, devenir versé dans Ma Kula [famille, communauté] et un grand Siddha [initié]. »

Cela dit, Elle est devenue sans forme et a disparu dans l’éther puis a traversé la région éthérique. Le grand Rishi ayant entendu cela de la Mahavidya Sarasvati se rendit en Chine où Bouddha est établi (Buddhapratishthita: Tibet). S’étant incliné à plusieurs reprises au sol, Vashishtha a dit: « Protégez-moi, Oh Mahadeva qui êtes l’Impérissable sous la forme de Bouddha (Buddharupa). Je suis le très humble Vashishtha, le fils de Brahma. Mon mental est toujours perturbé. Je suis venu ici (Cina) pour la Sadhana de la Mahadevi. Je ne connais pas le chemin menant à Siddhi. Vous connaissez le chemin des Devas [Dieux]. Voyant cependant votre mode de vie (Acara) les doutes assaillent mon mental (Bhayani santi me hridi : parce qu’il a vu (à lui) le rituel extraordinaire avec le vin et la femme) Détruisez-les ainsi que mon mental méchant qui s’incline vers le rituel Vaidik (Vedagamini; c’est-à-dire le rituel Pashu ordinaire). Ô Seigneur, dans Votre demeure, il y a toujours des rites qui sont en dehors des Veda (Vedavavahishkrita: c’est-à-dire le rituel Vaidik et ce qui est cohérent avec le Veda comme Vashishtha le supposait alors). Comment se fait-il que le vin, la viande, la femme (Angana) soient bu, mangés et appréciés par les Siddhas nus (Digambara) qui sont hauts (Vara) et impressionnants (Raktapanodyata). Ils boivent constamment et apprécient (ou font jouir) de belles femmes [sexuellement] (Muhurmuhuh prapivanti ramayanti varanganam). Avec les yeux rouges, ils sont toujours exaltés et remplis de chair et de vin (Sadamangsasavaih purnah). Ils sont puissants pour favoriser et punir. Ils sont au-delà des Vedas (Vedasyagocarah). Ils aiment le vin et les femmes (Madyastrisevane ratah) » (Vashishtha a simplement vu la surface du rituel).

Ainsi parlait le grand Yogi ayant vu les rites qui sont en dehors des Veda (Veda-vahishkrita. V. Ante). Puis, s’inclinant en bas, les mains jointes, il a humblement dit: « Comment de telles inclinations peuvent-elles purifier le mental? Comment peut-il y avoir Siddhi sans les rites Vaidik? »

Manah-pravrittireteshu katham bhavati pavani

Kathang va jayate siddhir veda karyyang vina prabho.

Bouddha a dit, « Oh Vashishtha, écoute pendant que je te parle de l’excellent chemin de Kula, par la simple connaissance de laquelle on devient en peu de temps comme Rudra lui-même. Je te parle en bref l’Agama qui est l’essence de tout et qui mène à Kulasiddhi. Tout d’abord, le Vira (héros) doit être pur (Shuci). Bouddha énonce ici les conditions dans lesquelles seuls les rites sont autorisés. Son mental doit être pénétré de discernement (Viveka) et libéré de tout Pashubhava (état d’un Pashu non-initié ou d’un homme animal.) Qu’il évite la compagnie des Pashu [hommes-animaux] et reste seul dans un endroit isolé, à l’abri de la luxure, colère et autres passions. Il doit constamment se consacrer à la pratique du Yoga. Il doit être ferme dans sa résolution d’apprendre le Yoga; il devrait toujours suivre le chemin du Yoga et connaître pleinement la signification du Veda (Vedarthanipuno mahan). De cette façon, le pieux (Dharmatma) de bonne conduite et de largeur de cœur (Audarya) devrait, par degrés graduels, retenir son souffle, et par le chemin de la respiration [pranayama] achève la destruction du mental [ego]. Suite à cette pratique, l’auto-contrôlé (Vashi) devient Yogi. Dans les degrés de pratique lents, le corps transpire d’abord. C’est le stade le plus bas (Adhama). Le prochain est moyen (Madhyama). Ici, il y a des tremblements (Kampa). Dans la troisième ou la plus haute (Para) étape, on est capable de léviter (Bhumityaga). Par la réalisation de Siddhi en Pranayama on devient maître en Yoga. Devenu Yogi par la pratique de Kumbhaka [contrôle des vents vitaux], il devrait être Mauni (livré au silence) et plein d’intention, de dévotion (Ekanta-bhakti) à Shiva, Krishna et Brahma [la Trinité ou Logos Solaire]. Le pur doit réaliser par son mental, son action et sa parole que Brahma, Vishnu et Shiva [la Trinité] sont agités comme l’air en mouvement (Vayavigaticancalah). L’homme au mental stable devrait le fixer sur Shakti [énergie féminine], qui est conscience (Cidrupa). Par la suite, le Mantrin [pratiquant] devrait pratiquer Mahavirabhava (le sentiment du grand héros) et suivre le chemin Kula [direct], la Shakti-cakra [roue de l’énergie], le Vaishnava Sattvacakra et Navavigrah et devrait adorer Kulakatyayani [le Mère Divine], l’excellente, le Pratyaksha Devata (c’est-à-dire la Déité qui répond à la prière) qui accorde la prospérité et détruit tout mal. Elle est conscience (Cidrupa), Elle est la demeure de la connaissance (Jñana ou Daath) et est Conscience et Béatitude, brillante comme dix millions d’éclairs, dont tous les Tattvas [énergies] sont l’incarnation, qui est Raudri avec dix-huit bras, friand de vin et de montagnes de chair (le texte est Shivamangsacalapriyam, mais le premier mot devrait être Sura). L’homme devrait faire Japa [répétition] du Mantra, se réfugiant avec Elle, et suivre le chemin de Kula. Qui dans les trois mondes connaît un chemin plus haut que celui-ci? Par la grâce qui y était obtenue, le grand Brahma Lui-même devint le Créateur, et Vishnu, dont la substance est Sattva-guna, l’objet d’adoration de tous, méritant hautement l’adoration, le grand et Seigneur de Yajurveda, devint capable de protéger. Par elle, Hara, le Seigneur de Viras, le courroucé, le Seigneur de la colère et de la puissance puissante, devint le destructeur de tous. Par la grâce de Virabhava, les Dikpalas (Protecteurs des quartiers) devinrent comme Rudra. Au bout d’un mois de pratique [un temps symbolique], le pouvoir d’attirer (Akarshanasiddhi) est atteint. En deux mois, on devient le Seigneur de la Parole. En quatre mois on devient comme les Dikpalas, en cinq mois on devient les cinq flèches (maîtrise probablement les cinq Tanmatras), et en six mois il devient Rudra lui-même. Le fruit de cette méthode (Acara) est au-delà de tous les autres. C’est Kaulamarga. Il n’y a rien qui le surpasse. S’il y a Shakti [épouse sexuelle], le Vipra devient un Yogi complet après six mois de pratique. Sans Shakti [épouse] même Shiva [le Saint-Esprit] ne peut rien faire. Que dirons-nous donc des hommes de petite intelligence? »

Cela dit, Celui dont la forme est Bouddha (Buddharupi) lui a fait pratiquer la Sadhana. Il a dit: « Oh Vipra, sers-toi Mahashakti [la Grande Femme]. Pratique la Sadhana avec du vin (Madyasadhana) et ainsi tu verras les Lotus-Pieds de la Mahavidya [grande connaissance]. » Vashishtha ayant entendu ces paroles du Guru et méditant sur Devi Sarasvati se rendit au Kulamandapa pour pratiquer le rituel du vin (Madirasadhana) et après avoir fait à plusieurs reprises la Sadhana [Pancatattva] avec du vin, de la viande, du poisson, des céréales desséchées et de la Shakti [épouse], il devint un Yogi (Purnayogi) complet.

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Un récit similaire est donné dans le Brahmayamala. Il existe cependant quelques variantes. Ainsi, tandis que dans le Rudrayamala, Vashishtha aurait recouru au rivage de l’océan, dans le Brahmayamala, il se rend à Kamakhya, le grand Tantrik Pitha et le sanctuaire de la Devi. (La prédominance de Son culte parmi les Assamais Mongols est remarquable.) On peut ajouter ici que cette Yamala déclare que, sauf au moment du culte, le vin ne doit pas être pris et la Shakti ne doit pas être déshabillée. En violant ces dispositions, la vie, dit-il, est raccourcie et l’homme va en enfer.

Selon le récit du Brahmayamala, Vashishtha, se plaignant de son mauvais succès, a été invité à se rendre dans les Montagnes Bleues (Nilacala) et à adorer parameshvari près de Kamakhya (Karma en Assam). On lui a dit que Vishnu sous la forme de Bouddha (Buddharupi) seul connaissait ce culte selon Cinacara [Bouddhisme du Nord]. Devi a dit, « sans Cinacara tu ne peux pas Me plaire. Vas à Vishnu qui est Udbodharupi (illuminé) et adore-Moi selon l’Acara enseigné par Lui. » Vashishtha s’est ensuite rendu à Vishnu dans le pays Mahacina [Tibet], qui est à côté de l’Himalaya (Himavatparshve), un pays habité par de grands Sadhakas et des milliers de belles et jeunes femmes dont le cœur était réjoui par le vin, et dont le mental était heureux avec plaisir (Vilasa). Elles étaient parées de vêtements qui inspiraient l’amour (Shringaravesha) et le mouvement de leurs hanches faisait tinter leurs ceintures de petites cloches. Libérées de la peur et de la honte prude, elles enchantèrent le monde. Elles entourent Ishvara et se consacrent au culte de Devi. Vashishtha s’est énormément étonné quand il l’a vu sous la forme de Bouddha (Buddharupi) avec les yeux tombant du vin. « Que » dit-il, « Vishnu fait-il sous sa forme de Bouddha? Cette carte (Acara) est opposée au Veda (Vedavadaviruddha). Je ne l’approuve pas (Asammato mama). » Tout en réfléchissant ainsi, il entendit une voix venant de l’éther disant: « Oh toi qui es dévoué aux bons actes, ne pense pas comme ça. Cet Acara est d’un excellent résultat dans la Sadhana de Tarini. Elle n’est satisfaite de rien qui soit le contraire de ceci. Si tu veux gagner sa grâce rapidement, alors adorez-la selon Cinacara. » Entendant cette voix, les cheveux de Vashishtha se dressèrent et il tomba au sol. Rempli d’une joie extrême, il pria Vishnu sous la forme de Bouddha (Buddharupa). Bouddha, qui avait pris du vin, le voyant fut très content et dit: « Pourquoi es-tu venu ici? » Vashishtha s’inclinant devant Bouddha lui a parlé de son culte de Tarini. Bouddha qui est Hari et plein de connaissance (Tattvajñana) lui a parlé des cinq Makaras (M: c’est-à-dire, les cinq commençant par la lettre M sont Madya, ou vin et ainsi de suite) qui sont à Cinacara (Majnanam Cinacaradikaranam) disant que cela ne doit pas être divulgué (une injonction commune concernant ce rituel et le rend suspect du point de vue des opposants) « En le pratiquant, tu ne sombreras plus dans l’océan de l’être. Il est plein de connaissance de l’Essence (Tattvajñana) et donne la libération immédiate (Mukti). » Il poursuit ensuite en expliquant une caractéristique principale de ce culte, à savoir sa liberté des règles rituelles du culte ordinaire au-dessus desquelles le Sadhaka a été élévé. C’est le culte mental. En lui, le bain, la purification, le Japa et le culte cérémoniel sont uniquement par le mental (aucun acte extérieur n’est nécessaire; le bain et ainsi de suite est dans le mental et non dans l’eau réelle, comme c’est le cas) dans le culte inférieur et moins avancé.) Il n’y a pas de règles quant aux moments propices et défavorables, ou quant à ce qui doit être fait le jour et la nuit. Rien n’est pur ou impur (il n’y a pas de défaut rituel d’impureté) ni d’interdiction contre la Devi doit être adoré même si l’adorateur a eu sa nourriture, et même si l’endroit est impur. La femme qui est Son image doit être adorée (Pujanam striya) et ne doit jamais lui être blessée

[surtout sexuellement; c’est-à-dire par des actes sexuels impurs,
comme l’orgasme ; voir les autres écrits de l’auteur] (Stridvesho naiva kartavyah).

Extrait de l’écriture Tantrique Rudrayamala telle qu’enregistrée dans Shakti et Shâkta par Arthur Avalon (Sir John Woodroffe) [1918].

Cet article a été originellement publié en Anglais par Glorian. L’article original est Vashishtha and Buddha.

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