Écrit par : Samael Aun Weor   Catégorie : Enseignements Cosmiques d’un Lama

Quand me parviennent ces souvenirs, effluves ardentes d’avril et d’aurore, quand je sens, à vrai dire, cette fraîche rosée de gouttes de ciel, je souffre pour tous ces millions d’êtres humains qui dorment et pleurent.

J’ai éveillé la conscience, je suis parvenu à l’illumination. Où allais-je, endormi, par le rude rocher découpé à ras ? Je regardai attentivement le firmament et il était très haut ; la cime terrible avec son vertige m’attira ; je tournai le visage vers la profondeur traversée, je vis la terre et elle était très en bas.

L’oiseau Phénix au vol rapide me toucha de ses ailes à la blancheur immaculée et alors, rempli de ferveur, je priai en sachant que le parfum de la prière arrive jusqu’à Dieu.

J’implorai pour les endormis, pour ces sincères qui se trompent, qui rêvent qu’ils sont éveillés, pour ceux qui ont échoué et supposent aller très bien.

Le Sage rêve de la splendide rose du pré magique qui entrouvre ses délicieux pétales à l’étoile vespérale de l’amour.

Le barde chevelu rêve du timide ruisseau chantant qui descend de la montagne, égoutté, fondu en argent, le tout transformé en un filigrane qui court et qui passe.

L’infortunée mère rêve au fils qu’elle a perdu à la guerre et ne conçoit aucun sort plus dur ; elle pleure au pied de son portrait le bonheur brisé, et le rayon joue avec la torture et allume même un arc-en-ciel dans chaque goutte.

Faust rêve à sa Marguerite au blanc visage tranquille sous le dais exquis de sa blonde chevelure qui, telle une cascade d’or, retombe sur ses épaules d’albâtre. Quel abîme si profond dans sa pupille, perfide et bleutée comme l’onde !

Entre les griffes effrayantes de la douleur, le pauvre animal intellectuel rêve qu’il est Brutus, déchiquetant le coeur de César en mille morceaux ; Spartacus le terrible, dévastant la campagne ; Ulysse dans son palais d’Ithaque, tuant dans sa fureur les prétendants de son épouse ; Tell rejetant l’embarcation de son pied ; Cléopâtre séduisant Marc-Antoine ; Cromwell devant le supplice d’un monarque ; Mirabeau dans le Tabor des nations ; Bolivar et cinq peuples libérés ; Morelos sur les champs de bataille.

L’amoureux rêve à l’étoile d’Orient qui s’élève resplendissante, au rendez-vous tant espéré, au livre qu’elle tient dans ses mains, à sa fenêtre romantique.

L’époux offensé rêve à l’obscure altercation et à l’âpre rébellion, il souffre l’indicible et en meurt même dans le cauchemar.

Le luxurieux rêve de l’impudique nudité de la diablesse qui se love tel un porc dans la fange de l’immondice.

L’enivré rêve qu’il est riche, jeune, vaillant chevalier de grand renom, courageux dans la bataille.

Amado Nuevo rêve à l’aimée immobile et Victor Hugo aux « Misérables ».

Cette vie de type lunaire n’est qu’un tissu de rêves.

Ils ne se trompèrent pas, les antiques sages de la terre sacrée des Vedas, en disant que ce monde est Maya (illusion).

Ah ! si ces pauvres gens cessaient de rêver ! Comme la vie serait différente !

Les 4 Evangiles insistent sur la nécessité de réveiller la conscience, mais comme ils sont écrits en clés, personne ne les comprend.

En ces instants me viennent à la mémoire d’ineffables souvenirs.

Une de ces nuits d’automne, je parlais délicieusement avec un Adepte dans les mondes supérieurs.

Converser avec un frère majeur des dimensions supérieures dans les univers parallèles est, certes, quelque chose d’impossible pour les endormis, pour ces pauvres gens qui rêvent.

Heureusement, je suis éveillé.

Le sujet de la conversation fut varié. Le dialogue se déroula en synthèse. Litelantes écoutait et se taisait. Il est évident qu’elle aussi est éveillée et prend plaisir à m’accompagner ; c’est mon Epouse-Prêtresse.

Et cette conversation s’écoulait délicieusement, tel un fleuve d’or sous l’épaisse forêt du soleil. Le vénérable voulait une entrevue avec moi, ici, en bas dans la région tridimensionnelle.

Il fut nécessaire de définir les facteurs temps et lieux. Litelantes protesta : minuit ? si loin de notre maison, tout simplement au centre de la ville de Mexico.

Ses protestations furent inutiles. Lui et moi nous fixâmes le rendez-vous et donnâmes notre parole.

Les mois d’automne passèrent. J’attendais avec un intérêt suprême, le vieil an neuf 1968.

Cependant, tout passe ; il ne me fallut pas trop attendre et la nuit désirée arriva.

Je sortis de la maison tôt ; il fallait qu’il en soit ainsi, car cette nuit devait comporter beaucoup de visites et je devais m’avancer.

Un taxi me conduit sur la chaussée de Tlalpan jusqu’au Zocalo. Je dus descendre exactement à « 20 de Novembre », à un coin de la « Plaza de la Constitucion ».

Je devais payer la course. « Combien vous dois-je ? » « 2 pesos, monsieur ». « Voilà, payez-vous ». Le chauffeur reçut l’argent sans se douter de rien – ni même de très loin – ni à propos de moi, ni à propos de mon voyage. Que peut savoir un endormi ? Le pauvre chauffeur connaissait-il mes études, par hasard ? Que pouvais-je exiger de lui ? Un rêveur de plus conduisant un taxi, voilà tout !

Et j’allai par le centre même du Zocalo et m’arrêtai devant le grand pylône de fer, lequel était la hampe de notre drapeau national, endroit exact du mystérieux rendez-vous.

Il est évident que je devais tout d’abord reconnaître le lieu, et ainsi en fut-il, mais il n’était même pas encore 10 heures du soir.

Je marchai dans l’avenue « 5 de Mayo », lentement, très lentement, et j’arrivai au parc de l’Alameda.

Le gel de l’hiver qui souffle dans les montagnes où jamais ne se bercent ni nuances, ni arômes, tombait en frais torrents d’argent, recouvrant les pelouses flétries.

Je m’assis sur un banc du parc ; le froid de cette nuit d’hiver était terrible. De-ci, de-là, des enfants bien emmitouflés jouaient, joyeux ; les vieillards conversaient, austères, de choses peut-être très sérieuses et très graves, ou pour le moins, tout à fait sans importance. Les amoureux souriaient avec de lucifériens regards de feu. Les lumières aux couleurs variées resplendissaient et comme il se doit, quelques déguisements ne manquaient pas dans cet ensemble bigarré et pittoresque de Nouvel An ; des gens qui prenaient plaisir à se faire photographier entre les 4 rois mages.

Fumée qui jaillissait de la montagne, obscure nostalgie, étrange passion, soif insatiable, immortel ennui, tendre aspiration, subconscient indéfini, soif infinie de l’impossible. Voilà ce que l’humanité ressent en de tels moments.

Je me promenai à plusieurs reprises près des fontaines cristallines, contemplant de belles choses, à côté des sapins ; des ballons de couleurs, variées représentations symboliques de l’an vieux et du Nouvel An, chariots tirés par les cabris du Capricorne, etc.

Plus d’une fois, tournant lentement dans l’avenue « 5 de Mayo », je m’approchais de la hampe de notre drapeau national, au centre vivant de la « Plaza de la Constitucion ».

Je regardai anxieusement aux alentours ; l’endroit glorieux était relativement solitaire et, pour comble cette nuit, le drapeau de la patrie ne resplendissait pas avec son aigle de l’esprit, son serpent sacré et son figuier de Barbarie de la volonté.

Obscurs Alexandre et Spartacus ! Que vous êtes loin de comprendre tout ceci ! Vous fûtes dans les sanglants travaux de guerre semeuse de lauriers et de malheurs, des idoles d’argile qui tombèrent en morceaux sur terre.

En une sublime absorption, je scrutai mon esprit, méditant sur le mystère de la vie et de la mort.

Il ne manquait plus qu’une demi-heure pour ce rendez-vous du Mystère. Je me promenai, silencieux, bien des fois par là, entre le Zocalo et le parc de l’Alameda. Bientôt, regardant ma montre, je soupirai profondément en disant d’une voix qui m’étonna moi-même : « Enfin ! l’heure est proche ».

Il était nécessaire de presser un peu le pas pour retourner de nouveau à l’endroit du rendez-vous attendu.

Les cloches de la vieille cathédrale métropolitaine résonnèrent, quand anxieux, je m’arrêtai devant la hampe du drapeau national ; il ne me manquait que 15 minutes avant minuit ; je regardai aux alentours, comme si j’enquêtais, comme si je cherchais quelque signal qui m’indiquerait la présence du Maître.

D’innombrables questions m’assaillaient : ce Gourou ne serait-il pas capable de concrétiser le rendez- vous ? L’Adepte n’avait peut-être pas passé le souvenir de ce rendez-vous à son cerveau physique ?

Finalement, ah, Dieu ! les 12 coups de cloche du Nouvel An résonnent dans les tours du temple. Je commençais à me sentir comme déçu lorsque quelque chose d’insolite se passe : je vois 3 personnes en face de moi. C’est une famille étrangère, peut-être nord-américaine, anglaise ? Je ne sais pas. Le monsieur avance seul jusqu’à moi ; je l’observe attentivement ; je connais ces traits, ce visage majestueux ; c’est le Maître. Il me félicite, m’embrasse, me souhaite un total succès pour l’année 1968 et ensuite se retire.

Je note cependant quelque chose d’étrange en lui : il est venu comme un somnambule, inconscient, comme mû par une force supérieure à lui ; ceci m’alarma et m’attrista un peu.

Est-il possible que la conscience du Maître soit éveillée dans les mondes supérieurs et endormie dans le monde physique ? Ceci est certes, étrange, énigmatique et profond.

Après la rencontre avec le Maître, je ne me sentis plus frustré et j’avais de la joie au coeur.

J’avançai heureux jusqu’à l’atrium de la cathédrale en question ; j’attendais et bientôt mon fils Osiris arriva dans sa petite voiture couleur feu ; il s’arrêta un instant pour me prendre et m’emmener à la maison.

« Le Maître a-t-il accompli son rendez-vous ? » fut sa première question et il est clair, puisque la réponse fut affirmative, qu’il en fut très content, puis il garda le silence.

Il est utile de dire qu’après cet évènement, j’eus avec le Maître une nouvelle entrevue dans les mondes supérieurs. Je le remerciai d’être venu au rendez-vous et le félicitai ; le Gourou, très joyeux, se sentit satisfait d’avoir pu conduire sa personne humaine jusqu’à l’endroit prévu.

Il est évident que le Maître en soi est ce que les hindous appellent Atman, l’Esprit Divin, fusionné avec l’Ame Spirituelle (Bouddhi).

L’Ame Humaine revêtue de sa personnalité terrestre est ce que dans l’Orient mystérieux, on dénomme sagement : Bodhisattva.

Il est facile de comprendre que cet homme qui vint à moi était le Bodhisattva du Maître.

Et il venait endormi ! Quelle douleur ! C’était un Bodhisattva tombé. Pourtant, le Maître était parvenu à le contrôler et à le conduire comme un automate, comme une marionnette, jusqu’au lieu du rendez-vous.

Il n’est en aucune manière étrange qu’un Bodhisattva (âme humaine du Maître), après être tombé, se submerge lamentablement dans le sommeil de l’inconscience.

Dans les temps antiques, à cette époque où des fleuves d’eau pure de la vie jaillissaient lait et miel, nombre de Maîtres vécurent sur la surface de la Terre. Avec le fatal évènement du Kali Yuga, l’âge noir dans lequel nous vivons malheureusement, de nombreux Bodhisattvas tombèrent, et la lyre d’Orphée tomba en morceaux sur le pavé du temple.

« La grande Divinité est tombée à la renverse. Elle repose sur un côté, le visage contre terre ; néanmoins, les hiérarchies célestes la relèvent ».

Ce chapitre est tiré des Enseignements Cosmiques d’un Lama (1970) de Samael Aun Weor.