Écrit par : Samael Aun Weor Catégorie : Le Mystère de la Fleur d’Or
Avec pour scène l’amphithéâtre cosmique, je veux verser dans ces pages quelques souvenirs.
Bien avant que surgisse du Chaos cette chaîne lunaire dont tant d’insignes écrivains théosophes ont parlé, il a existé un certain univers dont il ne reste maintenant des traces que dans les registres intimes de la nature.
C’est sur une planète de cet univers qu’est survenu ce que je raconte ci-après, dans le but évident d’expliquer la Doctrine de la transmigration des âmes.
En accord avec les desiderata cosmiques, sur cette planète sept races humaines fort semblables à celles de notre monde ont évolué et involué. À l’époque de sa cinquième Race-Racine, extrêmement similaire à la nôtre, a existé l’abominable civilisation du Kali-Yuga ou Âge de Fer, le même que nous avons en ce moment, ici, sur la terre.
Alors moi qui n’étais qu’un pauvre « animal intellectuel » condamné à la peine de vivre, j’étais tombé de mal en pis en me réincorporant sans cesse dans des organismes masculins ou féminins, selon le « devoir » et « l’avoir » du Karma.
Je confesse sans ambages que c’est bien inutilement que travaillait ma Mère Nature en me créant des corps ; je les détruisais toujours, par mes vices et mes passions.
Comme si c’était une malédiction insupportable, chacune de mes existences se répétait à l’intérieur de la ligne en spirale, sur des courbes de plus en plus basses. Indubitablement, je m’étais précipité sur le chemin involutif, descendant.
Je me vautrais comme un porc dans la fange abjecte de tous les vices et je ne m’intéressais pas le moins du monde aux questions spirituelles.
Il est incontestable que j’étais devenu un cynique irréductible : il s’avère très clair que n’importe quel type de châtiment, si grave qu’il fût, était en fait condamné à l’échec.
On dit que le collier du Bouddha a cent huit grains : ceci nous indique le nombre de vies qui est assigné à toute âme.
Je dois souligner le fait que la dernière de ces cent huit existences fut pour moi quelque chose de définitif. En effet, j’y suis entré dans l’involution du Royaume Minéral Submergé.
La dernière de ces personnalités fut de sexe féminin et il est évident que de m’être vautré dans le lit de Procuste m’a alors servi de passeport pour l’Enfer.
Dans le ventre minéral de ce monde, je blasphémais, maudissais, injuriais, insultais, forniquais épouvantablement et dégénérais de plus en plus sans jamais faire preuve de repentir.
Je me sentais tomber dans l’abîme lointain du passé ; la forme humaine me dégoûtait ; je préférais assumer dans ces abîmes des figures de bêtes ; ensuite, je ressemblais à une plante, à une ombre qui se glissait ici et là ; enfin je sentis que je me fossilisais.
Me transformer en pierre ? Quelle horreur ! Cependant, puisque j’étais tellement dégénéré, cela non plus ne m’importait pas.
Voir, tel un lépreux de la cité des morts vivants, tomber mes doigts, mes oreilles, mon nez, mes bras et mes jambes, n’est certainement rien d’agréable ; néanmoins, cela non plus ne m’émouvait pas.
Je forniquais sans cesse dans le lit de Procuste avec toute larve qui s’approchait et je sentais que je m’éteignais comme une bougie, une chandelle ou un cierge.
La vie dans les entrailles minérales de cette planète-là m’était devenue extrêmement fastidieuse et c’est pour cela, comme pour tuer le temps si long et si ennuyant, que je me suis roulé comme un porc parmi l’immondice.
Je m’affaiblissais épouvantablement, tout éclaté en morceaux, et je mourais de façon pénible ; je me désintégrais avec une lenteur horrible.
Je n’avais même plus assez de force pour penser, cela valait mieux. Enfin la « Deuxième Mort » dont parle l’Apocalypse de Saint-Jean est arrivée ; j’ai exhalé mon dernier souffle et ensuite.
L’Essence fut libre ; je me vis transformé en un bel enfant ; certains Deva, après m’avoir examiné minutieusement, me permirent d’entrer par les portes atomiques qui nous ramènent à la surface planétaire, à la lumière du soleil.
Ostensiblement, l’Ego, le Moi-même, le Je, était mort. Mon âme, libre, assumait maintenant la belle forme d’un tendre enfant. Quel bonheur, mon Dieu !
Qu’elle est grande la miséricorde de Dieu !
L’Essence libérée de l’Ego est profondément innocente et pure : le Moi s’est converti, à l’intérieur des entrailles de ce monde, en poussière cosmique.
Combien de temps ai-je vécu dans les mondes infernaux ? Je ne sais pas : huit mille ou dix mille ans, peut-être.
Maintenant, dépourvu d’Ego, je suis retourné au sentier de type évolutif ; je suis entré au royaume des Gnomes ou Pygmées, des êtres qui travaillent avec le limon de la terre, des élémentaux innocents du minéral.
Plus tard, je suis entré aux paradis élémentaux du règne végétal, en me réincorporant constamment en plantes, arbres et fleurs. Combien heureux je me sentais dans les temples de l’Éden, recevant des enseignements au pied des Deva.
La félicité des paradis « Jinas » est inconcevable pour le raisonnement humain.
Chaque famille, dans ces Édens, a ses temples et ses instructeurs ; on est rempli d’extase en pénétrant dans le Sanctuaire des orangers ou dans la Chapelle de la famille élémentale de la menthe poivrée ou dans l’Église des eucalyptus.
En ce qui concerne les processus évolutifs, nous devons souligner l’énoncé suivant : « Natura Non Facit Saltus », la nature ne fait pas de bonds. Il est donc évident que ce sont les états les plus avancés du règne végétal qui m’ont permis le passage à l’état animal.
J’ai commencé par me réincorporer dans des organismes très simples et, après avoir eu des millions de corps, je finis par retourner dans des organismes chaque fois plus complexes.
En guise de complément à ces paragraphes, je dois affirmer que je conserve encore des souvenirs fort intéressants d’une de ces innombrables existences, sur la rive d’une belle rivière aux eaux chantantes qui, joyeuse, se précipitait toujours sur un lit de roches millénaires.
J’étais alors une humble créature, un « spécimen » bien particulier de la famille des Batraciens ; je me déplaçais en faisant de petits sauts ici et là, au milieu des bosquets.
Il est évident que j’avais une pleine conscience de moi-même ; je savais qu’autrefois j’avais appartenu au règne dangereux des animaux intellectuels. Mes meilleurs amis étaient les élémentaux de ces végétaux qui avaient leurs racines sur les bords de la rivière, je conversais avec eux dans le langage universel.
Je demeurais délicieusement dans l’ombre, très loin des humanoïdes rationnels ; lorsque se présentait quelque danger, aussitôt je me réfugiais dans les eaux cristallines.
J’ai continué en retournant plusieurs fois dans divers organismes avant d’avoir le bonheur de me réincorporer dans un spécimen d’une certaine classe d’amphibies très intelligents qui sortait, tout joyeux, des eaux tumultueuses de la mer pour recevoir les rayons du soleil sur la plage sablonneuse.
Lorsqu’arriva la terrible Parque souveraine qui fait trembler de peur tous les mortels, je fis mes derniers adieux aux trois règnes inférieurs et je revins dans un organisme humanoïde ; c’est ainsi que je reconquis laborieusement l’état d’animal rationnel que j’avais autrefois perdu.
Dans mon nouvel état de « bipède tricérébré » ou « tricentré », je me souvenais, j’évoquais les insolites évènements des abîmes ; je ne désirais pas le moins du monde revenir au monde enseveli ; je voulais tirer sagement profit du nouveau cycle de cent huit vies qu’on m’assignait maintenant pour mon Autoréalisation intime.
L’expérience passée avait laissé de douloureuses cicatrices dans le fond de mon âme ; en aucune manière je n’étais disposé à répéter les processus involutifs des Mondes infernaux.
Je savais bien que la roue de Samsara tourne sans cesse de façon évolutive et involutive et que les Essences, après leur passage par le règne animal intellectuel, descendent des milliers de fois à l’horrifiant précipice pour éliminer les éléments subjectifs des perceptions ; cependant, je ne désirais absolument pas goûter une autre fois aux souffrances abyssales et, pour cette raison, j’étais bien disposé à profiter de mon nouveau cycle d’existences rationnelles.
À cette époque, la civilisation de ladite planète était parvenue à son sommet ; les habitants de ce monde avaient des navires maritimes et aériens, de gigantesques cités ultramodernes, un puissant commerce et de grandes industries, des universités de tout genre, etc. Malheureusement, cet ordre de choses n’était en aucune façon coordonné avec les inquiétudes de l’Esprit.
Dans l’une quelconque de mes existences humanoïdes, la conscience inquiète, comme ressentant une étrange terreur, je résolus de rechercher, d’enquêter, de découvrir le chemin secret.
Un proverbe de la sagesse antique dit : « Lorsque le disciple est prêt, le Maître apparaît. »
Le Gourou, le Guide, est apparu pour me conduire des ténèbres à la lumière ; il m’a enseigné les Mystères de la Vie et de la Mort ; il m’a indiqué le Sentier du fil du Rasoir.
C’est ainsi que j’ai connu le Mystère de la Fleuraison d’Or ; je comprenais à fond ma propre situation ; je savais que je n’étais rien d’autre qu’un pauvre homoncule rationnel, mais j’aspirais à me convertir en un « Homme Véritable », et il est évident que j’y suis parvenu en ce grand Jour Cosmique, en cet avant-hier sidéral, longtemps, longtemps avant le Mahamanvantara du Padma ou du Lotus d’Or.
Malheureusement, en ces temps si lointains, alors que je commençais à peine mes études ésotériques au pied du Maître, je ne jouissais d’aucune fortune ; ma famille, des « habitants de ce monde », vivait dans la pauvreté : une sœur qui veillait sur la maison gagnait de misérables centimes au marché public en vendant des fruits et des légumes ; j’avais l’habitude de l’accompagner.
Un jour, on m’a enfermé dans une horrible prison sans motif d’aucune espèce.
Je suis resté longtemps derrière les barreaux cruels de cette geôle ; cependant, et ceci est curieux, personne ne m’accusait ; il n’existait pas de délit pour lequel me poursuivre ; il s’agissait d’un cas bien spécial et, pour comble, mon nom ne figurait même pas sur la liste des détenus. Évidemment, il y avait une sorte de persécution secrète contre les Initiés ; c’est ce que je finis par comprendre.
Patiemment, dans l’espoir de quelque occasion, je guettais l’instant propice pour m’évader.
J’ai essayé plusieurs fois, en vain, mais à la fin, un jour parmi tant d’autres, les gardes, sans que je sache comment ni pourquoi, oublièrent une porte, la laissant ouverte ; il est indéniable que je n’étais en aucune façon disposé à perdre cette chance tant désirée : en quelques secondes je sortis de cette prison, faisant ensuite certains détours sur une place de marché dans l’intention de semer des policiers qui m’avaient retracé et qui me poursuivaient ; de toute façon, je réussis à m’échapper et je m’éloignais de cette ville pour toujours.
Je conclurai le présent chapitre en disant que c’est seulement en travaillant dans la Forge Ardente de Vulcain que je suis alors parvenu à me convertir en un Homme Authentique.
Ce chapitre est tiré de Le Mystère de la Fleur d’Or (1971) de Samael Aun Weor.