Écrit par: Samael Aun Weor | Catégorie: La Magie des Runes |
Les traditions antiques disent qu’Énée, le Troyen, se serait réfugié un certain temps avec ses gens dans les forêts du mont Ida jusqu’à ce que les Grecs aient abandonné la vieille Troie. Et lorsque les Hellènes abandonnèrent les ruines héroïques de la superbe Ilion, Énée construisit sa flotte et laissa en pleurant les rives de sa patrie et la plaine solitaire où était située l’ancienne citadelle, aujourd’hui convertie en un tas de ruines noircies.
Le vent gonfle les voiles dociles sous la lumière de la pleine lune, la rame lutte contre le marbre paisible, et le héros parvient, avec ses navires et ses gens, aux côtes de Thrace, rude pays où il est confiant de trouver une terre accueillante, les Thraces ayant été les alliés du vieux Priam.
L’histoire des siècles dit que sur la rude terre des Thraces, Énée fonda une ville à laquelle il donna son nom, la baptisant Enéade.
Un jour où les Troyens firent le sacrifice à Jupiter, le Christ cosmique, au moment précis où ils se préparaient à allumer le feu et à immoler le taureau blanc, un prodige extraordinaire se produisit : les branches qu’ils avaient coupées pour le feu laissaient s’écouler, au lieu de la sève, du sang noir et corrompu qui tachait la terre.
Énée en fut pétrifié de frayeur, et il supplia les dieux ineffables qu’ils fassent que ce présage devienne favorable à leurs desseins.
Puis le héros raconte qu’il cassa quelques autres branches du même arbre, mais que toutes, comme il le dit lui-même, suintaient du sang, jusqu’au moment où, selon ses propres paroles, une voix profonde qui semblait provenir des racines de la plante lui dit : « Énée, pourquoi me déchires-tu ? Respecte donc un malheureux et ne commets pas la cruauté de me torturer. C’est moi, Polydor : mes ennemis m’ont criblé de blessures en cet endroit même, et les fers qu’ils ont planté dans mon corps ont fructifié et fait pousser une plante qui, au lieu de porter des épines, donne des javelines acérées. »
Les légendes relatent que sur le monticule de terre où étaient plantées les racines de l’arbre, Énée consacra un autel aux mânes du mort, et on y déversa des libations de vin et de lait. C’est ainsi que l’on célébra les funérailles du défunt guerrier Polydor, mort dans la dure bataille.
Depuis les époques reculées de l’Arcadie, alors qu’on rendait encore un culte aux dieux des quatre éléments de l’univers et aux divinités du maïs frais, jamais les vieux Hiérophantes blanchis de sagesse n’ignoraient la multiplicité du moi.
Serait-ce donc, en effet, une chose si étrange que l’une de ces nombreuses entités qui constituent l’ego s’accroche avec tant d’ardeur à la vie pour renaître sous la forme d’un arbre ?
Cela me rappelle le cas de cet ami de Pythagore qui s’était réincorporé en un pauvre chien.
Et n’aide-t-on pas aussi les Centaures ? Que nous dit la légende des siècles à ce sujet ?
Ces épiques guerriers, qui tombent ensanglantés parmi les heaumes et les écus de ceux qui sont morts dans la gloire par amour pour leurs gens et pour leur patrie, reçoivent une aide amplement méritée lorsqu’ils retournent dans ce monde.
Il est écrit en paroles terribles que les Centaures éliminent une partie d’eux-mêmes, de leur cher ego, avant de retourner à cette vallée de larmes. Le fait que la partie la moins perverse se réincorpore en un corps humain et que la partie définitivement criminelle entre dans le crématoire des mondes infernaux, c’est une loi pour les Centaures.
Dante, le vieux Florentin couronné de lauriers, rencontra de nombreux Centaures dans l’abîme : rappelons-nous Chiron, le vieil éducateur d’Achille, et l’irascible Pholos.
Dans le grand livre de la nature, il est écrit ceci en braises ardentes avec une clarté totale et terrifiante : « De nombreuses parties de l’ego se perdent avant le retour à ce monde. » Plusieurs agrégats psychiques du moi-même se réincorporent dans des organismes de bêtes, d’autres s’accrochent désespérément, comme Polydor, aux branches d’un arbre et, finalement, certains éléments subjectifs propres au moi continuent leur involution dans le règne minéral submergé.
Il n’y a pas de doute que la transmigration est une chose très similaire, bien que tout à fait différente, et dont les racines sont très profondes.
Au milieu des flammes terribles de la vie, il y a des personnes si bestiales que si on extrayait d’elles tout ce qu’elles ont de grossier, il ne resterait rien. Il est donc nécessaire que ces créatures soient réduites en poussière à l’intérieur de la terre pour que l’Essence, l’âme, se libère.
Les légendes rapportent que Capanée, l’un des sept rois qui assiégèrent Thèbes, orgueilleux jusque dans l’abîme, y affirma :
« Quel je fus vivant, tel je suis mort. Quand Jupiter fatiguerait encore son forgeron, de qui, dans son courroux, il prit le foudre aigu dont il me frappa le dernier jour ; et quand tour à tour il fatiguerait les autres dans la noire forge du mont Gibel, criant : Vulcain, à l’aide !, à l’aide !, comme il fit au combat de Phlégra, et que contre moi il rassemblerait et tous ses traits et toute sa force, il n’aurait pas la joie de la vengeance. »
À l’intérieur même de ce monde affligé où nous vivons, il existe des involutions épouvantables. C’est là que la justice divine a projeté Attila, qui fut son fléau sur terre, de même que Pyrrhus et Sexot au sang bouillant, qui ne cesse d’arracher des larmes.
Si Tu tombes là, tu devras endurer des souffrances insupportables, et jamais tu ne sauras pour sûr le moment où tu en sortiras.
Homère a dit :
« Mieux vaut être un mendiant sur la terre qu’un roi dans l’empire des ombres. »
La descente aux mondes ténébreux est donc un voyage à reculons sur le sentier involuant, un enfoncement à travers une densité toujours croissante dans l’obscurité et la rigidité, à travers un ennui d’une durée inconcevable, c’est une chute vers l’arrière, un retour, une répétition des états animal, végétal et minéral, un retour au chaos primitif.
Les âmes de l’abîme se libèrent par la mort seconde ; une fois l’ego et les corps lunaires réduits en poussière, elles reçoivent leur billet pour la liberté.
Ces âmes qui proviennent de l’intérieur de la terre, tachées par l’épouvantable voyage souterrain et couvertes de poussière, se convertissent en gnomes du règne minéral, puis en créatures élémentales du règne végétal, et par la suite en animaux, pour finalement reconquérir l’état humain qu’elles avaient perdu.
Voilà la sage doctrine de la transmigration qu’enseigna autrefois Krishna, le Maître Hindoustan.
Des millions d’âmes qui sont mortes en enfer sont maintenant des gnomes qui folâtrent parmi les rochers ; d’autres sont aujourd’hui des plantes délicieuses, et d’autres encore vivent à l’intérieur de créatures animales et aspirent à retourner à l’état humain.
Ce chapitre est tiré de La Magie des Runes (1969) de Samaël Aun Weor.