Écrit par : Samael Aun Weor   Catégorie : Le Mystère de la Fleur d’Or

Nous présenterons maintenant un cas épouvantable qui, avec une extrême précision, vient nous montrer ce qu’est le sinistre et ténébreux Moi de la jalousie dans la relation conjugale, entre mari et femme.

L’horrible évènement est survenu en l’an 1180, en Provence, la nouvelle se répandant partout, jusqu’à ce qu’elle pénètre finalement, en 1250, dans la littérature, sous une forme proche de l’épopée.

« Un jour, Guillaume de Cabstaing, fils d’un pauvre gentilhomme du château de Cabstaing, arriva à la cour du seigneur Raymond de Roussillon et, après s’être présenté, il demanda à être accepté comme écuyer. Le Baron lui trouva de la prestance et lui donna son approbation pour qu’il restât à sa cour. »

« Guillaume demeura donc et il sut se comporter de manière si remarquable que grands et petits l’aimaient ; et il sut aussi se distinguer à tel point que le baron Raymond le destina au service de dame Marguerite, son épouse, comme page. Guillaume s’efforça alors d’être encore plus digne en paroles et en actes, mais amour faisant loi, dame Marguerite se trouva éprise de lui, avec les sens enflammés. »

« La diligence du page à la servir, son discours et sa fermeté lui plaisaient tellement qu’un jour, elle ne peut se retenir de lui demander : “Dis-moi, Guillaume, aimerais-tu une femme qui démontrerait de l’amour pour toi ?” À quoi Guillaume répondit avec sincérité : “Bien sûr que oui, Madame, pourvu que ses démonstrations fussent vraies.” »

« Par Saint-Jean, s’exclama la dame, tu as répondu comme un gentilhomme accompli ! Mais à présent je veux t’éprouver pour voir si tu pourrais savoir et reconnaître ce qui dans les démonstrations est vérité et ce qui n’est qu’apparence. »

« Auxquelles paroles Guillaume répliqua : “Soit, donc, comme il vous plaira, Madame !” »

« Il devint pensif, et aussitôt l’Amour commença sa joute avec lui ; et les pensées qu’Amour lui envoyait lui pénétraient dans le cœur et dès lors il se convertit en son chevalier servant, commençant à composer de jolis vers, des chansons et des poèmes exquis, ce qui complaisait au plus haut degré à celle à qui il les récitait et chantait. »

« Mais Amour, qui à ses serviteurs octroie leur récompense lorsqu’ils lui plaisent, voulut concéder la sienne à Guillaume. Et bientôt la dame commença à haleter de désir et à s’enfoncer à tel point dans son attachement, que ni la nuit ni le jour elle ne parvenait au repos, voyant en Guillaume la somme de tous les dons du courage et des exploits héroïques. »

« Ainsi arriva-t-il qu’un jour, dame Marguerite interpella Guillaume, lui disant : “Sais-tu, Guillaume, ce qui en ce moment est vérité et ce qui ne l’est pas de mon apparence ?”

Et Guillaume lui répondit : “Madame, aussi sûr que Dieu m’aide, depuis l’instant où je suis devenu votre écuyer, aucune autre pensée ne peut se loger en moi que celle que vous êtes, de tous les êtres vivants, la meilleure et la plus véridique en paroles et en apparence. Ainsi je le crois et toute ma vie le croirai !”

La dame répliqua : “Guillaume, de même que Dieu m’aide aussi, je te dis que tu ne seras pas trompé par moi, et tes pensées ne se perdront pas en vain.” »

« Et ouvrant les bras, elle le baisa délicatement et, s’asseyant tous les deux dans la chambre, ils commencèrent à prendre soin de leur amour… »

« Mais il ne passa pas beaucoup de temps sans que les mauvaises langues, celles que devrait atteindre la colère de Dieu, ne commencent à se délier, parlant de leur amour, et à papoter sur les chansons que Guillaume composait, murmurant qu’il avait posé ses yeux sur dame Marguerite. Et elles parlèrent tant et tant que la chose arriva aux oreilles du seigneur. »

« Le baron Raymond fut affligé au plus haut degré de ce qu’il allait perdre son compagnon de chevauchée et, plus encore, à cause de l’affront que son épouse lui avait fait. »

« Et un jour que Guillaume était allé seul avec un écuyer à la chasse à l’épervier, Raymond prit des armes, les cacha sur lui et s’en alla à cheval vers le jeune page. »

« Soyez le bienvenu, seigneur, le salua Guillaume, allant à sa rencontre dès qu’il l’aperçut, pourquoi êtes-vous si seul ? »

« Après quelques détours, Raymond commença : “Dis-moi, au nom de Dieu et de la Sainte Foi ! As-tu une amante pour qui tu chantes et à qui l’amour t’enchaîne ?” »

« Seigneur, répondit Guillaume, comment pourrais-je en aucune façon chanter, si l’amour ne m’y induisait. C’est la vérité, Seigneur, que l’amour m’a pris tout entier dans ses filets. »

« Je désirerais savoir, s’il te plaît, qui est la dame en question. »

« Ah ! Seigneur, voyez au nom de Dieu ce que vous réclamez de moi ! Vous savez assez que jamais la dame ne doit être nommée ! »

« Mais Raymond continua d’insister (parce que le Moi de la jalousie était en train de le dévorer vif), jusqu’à ce que Guillaume dise : “Seigneur, il faut que vous sachiez que j’aime la sœur de dame Marguerite, votre épouse, et j’espère être aimé d’elle, en retour” (c’est le Moi de la tromperie qui répondit). “Et maintenant que vous le savez, je vous supplie de m’accorder votre appui ou, à tout le moins, de ne pas me faire obstacle.” »

« Tu as ma main et ma parole, dit Raymond, en guise de promesse et de serment que je vais mettre en œuvre tout ce qui est en mon pouvoir pour venir à ton aide. »

« Allons donc à son château, qui se trouve près d’ici, proposa Guillaume. »

« Ainsi firent-ils, et ils furent bien reçus par le seigneur Robert de Tarascon, l’époux même de dame Agnès. Raymond la conduisit à sa chambre et ils s’assirent tous les deux sur le lit. »

« Dis-moi, ma belle-sœur, par la loyauté que tu me dois, dit Raymond, aimes-tu quelqu’un ? »

« Oui, Seigneur, répondit-elle », (avec son Moi menteur).

« Qui ? »

« Oh ! Je ne peux pas le dire ! Répondit-elle, que me demandez-vous là ? »

« Mais il la pressa avec tant d’insistance qu’elle n’eut plus d’autre recours que de confesser son amour pour Guillaume. Ainsi le reconnut-elle, en le trouvant si triste et soucieux, quoiqu’elle savait bien que Guillaume aimait sa sœur ; et sa réponse fit à Raymond une grande joie. »

« Agnès raconta tout à son époux qui jugea qu’elle avait bien agi, et lui donnait toute liberté pour qu’elle agisse et dise à sa guise pour sauver Guillaume », (infâme adultère).

« Agnès, devenue complice du délit, ne manqua pas de faire ainsi ; donc, conduisant le damoiseau dans sa chambre, elle resta en sa compagnie, seule à seul, aussi longtemps que nécessaire pour que Raymond pût conjecturer qu’il avait joui du miel de l’amour. »

« Cela lui complut à l’extrême, et il commença à penser que tout le bruit qui courait sur le compte de Guillaume n’était pas la vérité, mais pur commérage. Agnès et Guillaume sortirent de la chambre ; on servit le souper, qui se déroula dans une grande animation. » (Ainsi sont les farces du Moi Pluralisé.)

« Après le repas, Agnès fit préparer l’appartement des deux hôtes tout près de la porte du sien, et Guillaume et elle jouèrent si bien leur rôle que Raymond pensa que le damoiseau dormait avec la dame. »

« Le jour suivant, après avoir pris congé, Raymond s’éloigna dès qu’il le put de Guillaume, alla à son épouse et lui raconta ce qui s’était passé. Devant ces nouvelles, dame Marguerite passa toute la nuit plongée dans la plus profonde douleur et, le lendemain, appelant Guillaume, elle le reçut avec dureté, le traitant de faux ami et de traître. »

« Guillaume demanda grâce, comme un homme qui n’avait commis aucune des fautes qu’elle lui imputait et il lui raconta en détail et exactement tout ce qui s’était passé. La dame appela sa sœur et elle sut, par elle, que Guillaume disait la vérité. À la suite de quoi elle ordonna au page de composer une chanson dans laquelle il lui montrerait qu’il n’aime pas d’autre femme qu’elle. Et il composa le chant intitulé : “les belles pensées que souvent l’amour inspire”. »

« Ayant entendu le chant que Guillaume avait composé pour sa femme, le baron de Roussillon le fit venir pour converser avec lui et, à une distance suffisante du château, il l’égorgea, lui trancha la tête qu’il garda dans une gibecière, lui arrachant ensuite le cœur.

Après cela, il retourna au château, fit rôtir le cœur et le fit servir à sa femme à table. Elle le mangea sans savoir ce qu’elle savourait ainsi.

À la fin du repas, Raymond se leva et communiqua à sa femme que ce qu’elle avait ingéré était le cœur de Guillaume, lui montrant ensuite la tête horripilante. »

« Il lui demanda en outre si le cœur avait eu bon goût. Dame Marguerite répondit qu’il était, en effet, si savoureux qu’aucun autre mets ne lui enlèverait maintenant le goût que lui avait laissé le cœur de Guillaume. Furieux, Raymond, désespéré par le Moi de la jalousie, s’élança vers elle, la perverse adultère, sa dague à la main. Marguerite s’enfuit, se jeta du haut d’un balcon et se fracassa la tête dans sa chute. »

Cela fut la fin catastrophique d’un triangle fatal où les Egos de la jalousie, de l’adultère, du mensonge, de la farce, etc. poussèrent leurs acteurs dans un cul-de-sac.

Que Dieu et Sainte-Marie nous assistent ! Ils savent bien, les Divins et les humains, que le puissant seigneur Raymond de Roussillon est devenu un assassin à cause du Démon de la jalousie. Il aurait mieux valu faire remettre à sa femme une lettre de divorce.

Ce chapitre est tiré de Le Mystère de la Fleur d’Or (1971) de Samael Aun Weor.