Écrit par: Samael Aun WeorCatégorie: La Magie des Runes

Après les funérailles royales et sacrées de Polydor, l’épique guerrier glorieusement tombé parmi les heaumes et les écus dans la bataille sanglante, Énée, le Troyen, prit la mer tumultueuse et effrayante avec ses navires et ses gens, et il ne tarda pas à atteindre la terre de Délos, site de tant de traditions hyperboréennes, où il consulta, brûlant de la flamme de la foi, l’oracle d’Apollon sagement construit dans la pierre dure.

Hérodote, dans le Livre IV, chapitres 32 à 34, raconte que les Hyperboréens, vieux ancêtres des Lémuriens, envoyaient périodiquement à Délos leurs offrandes sacrées enveloppées dans de la paille de froment. Ces offrandes vénérables avaient un itinéraire sacré bien défini : elles passaient d’abord par le pays scythe, puis elles allaient vers l’occident jusqu’à la mer Adriatique ; c’est la même route que suivait l’ambre depuis la Baltique jusqu’à l’abondant fleuve Pô, dans la péninsule italique.

Parmi les Grecs, les citoyens de Dodone étaient les premiers à recevoir les offrandes hyperboréennes. Puis celles-ci descendaient de Dodone jusqu’au golfe Maliacos pour continuer ensuite vers l’Eubée et Carystos. Les vieilles légendes qui se perdent dans la nuit des siècles racontent que ces très saintes offrandes nordiques continuaient leur voyage depuis Carystos sans toucher terre jusqu’à Andros, et que les catéchumènes les amenaient de cet endroit à Ténos, puis à Délos.

Les Déliens ajoutent sagement que les Hyperboréens avaient la belle et innocente coutume d’envoyer leurs offrandes sacrées et divines entre les mains de deux vierges délicieuses et ineffables : l’une d’elles s’appelait Hyperochos et l’autre Laodocos. Les écritures sacrées disent que pour veiller sur ces saintes femmes si délicieuses et si sublimes, cinq initiés ou pyrphoros les accompagnaient dans leur très long et périlleux voyage.

Tout cela fut toutefois inutile, puisque ces saints hommes, ainsi que ces deux sublimes sibylles, furent assassinés sur la terre de Délos en accomplissant leur mission.

Nombre de ravissantes et jolies demoiselles nubiles de la ville, remplies de douleur, se coupèrent les cheveux et déposèrent sur un fuseau leurs boucles emmêlées, sur le monument élevé en l’honneur de ces saintes victimes qui, disait-on, étaient venues accompagnées de la déesse Artémise et du dieu Apollon.

Délos !, endroit des plus vénérables auquel parvint Énée, lieu d’archaïques légendes hyperboréennes qui se cachent comme des pierres précieuses dans les tréfonds de tous les âges.

Et là, prosterné sur la terre, mordant la poussière des siècles, il invoqua Apollon, le dieu du feu, à l’intérieur de l’enceinte sacrée, le suppliant de son cœur endolori de protéger la ville qu’il allait fonder, la seconde Pergame troyenne. L’histoire dit que cet homme illustre consulta Apollon pour l’interroger sur le lieu qu’il lui désignerait pour s’établir. Alors la terre trembla terriblement. Le héros et ses gens, blottis et agrippés au sol, possédés d’une peur mystérieuse, écoutèrent tous la terrible voix de Phébus-Apollon qui disait :

«O Robustes descendants de Dardanos ! Pour vous établir de manière durable, vous devez chercher la terre dont vous êtes originaires, la première qui vous a porté dans son sein. De là, la lignée d’Énée dominera tout le pays, et les enfants de ses enfants, et ceux qui naîtront d’eux. »

Le chef épique relate qu’après avoir entendu l’oracle d’Apollon, rempli de préoccupations, il se demandait quelle pouvait bien être la terre de leur origine la plus lointaine ; mais son vieux père, pour qui les anciennes traditions de famille étaient encore vivement gravées dans la mémoire, dit alors :

« Écoutez, ô chefs, le nom de nos espérances : le berceau de notre lignée est la Crète, cette ile qui se trouve au milieu de l’océan immense et qui est peuplée de cités puissantes qui sont en elles-mêmes autant de riches états. »

« C’est de Crète que nous tenons, nous les Troyens, le culte de Cybèle (la Mère divine Kundalini) avec son char tiré par des lions ; c’est de là que nous vient le bronze et d’autres arts qui rendent les humains puissants. »

« Allons donc en Crète, qui n’est pas loin, car si Jupiter (le Christ) nous envoie des vents favorables, nous y serons en trois jours. »

Énée dit : « La rumeur parvint à nos oreilles qu’Idoménée, le roi de Crète qui fut notre ennemi puisqu’il avait combattu au côté des Achéens à Troie, avait quitté l’ile ; en son absence, notre arrivée dans ce pays serait donc beaucoup plus favorable. »

« Le cœur rempli d’espérance, poursuit Énée, nous montâmes à bord ; nos marins rivalisèrent en agilité et en vitesse. Navigant parfois à la rame et parfois en manœuvrant le gréement, sous l’impulsion de vents de poupe favorables, nous abordâmes finalement la Crète sans contretemps, et nous y fondâmes une autre ville que je nommais, en l’honneur de notre ancienne citadelle, Pergame. »

Et ce peuple héroïque et terrible commandé par Énée, l’illustre paladin troyen, se serait établi définitivement sur cette ile si une peste maligne et désastreuse ne l’eût obligé à penser à reprendre la mer en quête d’autres terres.

Avec la décomposition et la putréfaction de cet air malsain, la contagion sinistre infectait malheureusement tous les corps ; certains tombaient foudroyés sous les rayons de la mort, tandis que d’autres se traînaient comme des spectres funestes que la fièvre avait rendus difformes.

« Un vent torride, dit Énée, brûlait nos récoltes, et la terre semblait refuser de nous nourrir. »

La tempête de la pensée se déchaîna en furie dans l’esprit d’Énée qui, désespéré comme le naufragé qui s’accroche au cruel rocher, pensa à retourner au sanctuaire d’Apollon, le dieu du feu, pour y consulter de nouveau l’oracle. Mais cette même nuit, en ces heures délicieuses où le corps dort et où l’âme voyage dans les mondes supérieurs hors de l’organisme physique, Énée rencontra ses dieux pénates, les génies tutélaires de sa famille, les Jinas ou anges de Troie.

Et les Seigneurs de la flamme lui parlèrent :

« Il n’est pas nécessaire, mon fils, que vous retourniez avec vos navires à l’Oracle d’Apollon ; vous avez mal interprété la prophétie. Votre patrie d’origine n’est pas la Crète, mais bien l’Hespérie, cette terre antique qu’ils appellent aujourd’hui l’Italie. C’est de là que proviennent les fondateurs antiques de la race de Troie, le héros Dardanos et l’ancêtre Iasion. Va, et raconte cette nouvelle à ton père. »

Et son père, surpris, se rappela Cassandre, la prophétesse troyenne, cette pauvre femme qui avait dit cela même avant la destruction d’Ilion, et à qui personne n’avait prêté attention, vu qu’elle était sous le châtiment d’Apollon.

Cette noble femme qui s’appelait Cassandre, tellement adorée et bénie, paya un type de karma bien singulier pour le mauvais usage de ses facultés divines dans des vies antérieures.

La légende des siècles raconte qu’Énée et ses gens, sans perdre plus de temps, reprirent la mer et mirent le cap sur les terres du Latium.

Ce chapitre est tiré de La Magie des Runes (1969) de Samaël Aun Weor.

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